Donc c’est non, Lettres de Henri Michaux, réunies, présentées et annotées par Jean-Luc Outers, NRF Gallimard, 2016
Lettre adressée à RENÉ TAVERNIER, mai 1944
Mon cher Tavernier,
Comme je vous connaissais mal ! Ainsi, malgré votre allure évasive, vous êtes un travailleur, et un de ces damnés travailleurs qui asticotent les autres pour qu’ils travaillent aussi.
Un jour c’est un article que vous me demandez. Le lendemain, c’en est un autre, ou un poème, ou ce que je pense de ceci ou de cela. Puis on veut me faire diriger une revue, puis on m’envoie un homme collaborer avec lui à un livre.
– Mais quand croyez-vous que je ne fais rien ? C’est pourtant ce qui m’arrive heureusement de plus ordinaire et de plus parfait.
Déjà vous avez détruit ma réputation de sage étendu toute la journée sur son lit. Abandonnons-la puisque je ne la mérite plus.
Mais, je vous en prie, laissez-moi encore un peu celle d’un homme qui « travaille par inaction » (…)